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Bed Devi
20 novembre 2007

Colère en faveur de la grève

Je n’arrête pas d’entendre des gens se plaindre des cheminots qui font grève alors qu’ils sont privilégiés, qui paralysent un pays et mettent les PME en péril tandis que leur propre emploi est assuré… etc.

Mais qu’est-ce qu’ils croient ?

Mon grand-père était cheminot et il n’a pas vraiment vécu dans l’opulence (euphémisme), ni pendant sa vie active, ni pendant sa retraite. Il n’y a pas que des conducteurs de trains ou des chefs de gare à la SNCF ! Il y a tout un staff dont les salariés du secteur privé n’ont absolument rien à leur envier quant au salaire ou à la pénibilité du travail, si ce n’est la sécurité de leur emploi. Alors, il n’y a pas à parler de « privilèges » qui, soit dit en passant, sont abolis en France depuis le 4 août 1789. Il y a juste des conditions de travail et des rémunérations différentes, comme dans de nombreuses autres branches, sachant que le choix de suivre une carrière aux Chemins de Fer était ouvert à tous les détracteurs des grévistes. S’ils ont souhaité faire autre chose, c’est que l’emploi n’était sans doute pas aussi privilégié que ça…

Par ailleurs, ce genre de discours vise carrément à remettre en question le droit de grève. Je ne comprends pas que la presse relaye ces paroles sans les nuancer, voire même en les accentuant : des salariés du secteur privé affirment que, eux, ils ne peuvent pas faire grève, sinon ils risquent de perdre leur emploi. Et ils utilisent cet argument pour critiquer l’action des cheminots. Ils acceptent donc tacitement le fait que le droit de grève ne leur soit déjà plus attribué, et insistent en prétendant que cette incapacité doive être généralisée. Mais se rendent-ils compte de ce qu’étaient les conditions de travail et de rémunération avant 1864 ? De toutes les avancées sociales qui ont été obtenues au cours du XXème siècle grâce au droit de grève ? Comprennent-ils qu’il s’agit du seul moyen de pression pour que la parole des travailleurs soit entendue par ceux qui tiennent les finances, qu’elles soient publiques ou privées ? Sans ce droit de grève, le libéralisme n’offrira plus jamais le paternalisme de Ford. L’époque est dorénavant à l’individualisme à outrance. Les patrons voudront toujours plus de rendement et de retours rapides et massifs sur investissements. Leur intérêt ne sera pas à payer plus leurs salariés. Savez-vous que seulement 6 personnes en France, par leurs revenus personnels, pèsent à eux seuls 12% du PIB ? Vous croyez que ce sont des humanistes et qu’ils utilisent cet argent pour le bien commun ?

Par contre, quand les cheminots et tous les autres fonctionnaires ont des revendications salariales, et qu’elles sont entendues par les pouvoirs publics, l’augmentation de leurs salaires a des répercussions à la hausse sur les salaires du secteur privé par le jeu de la concurrence. Leur action ne sert donc pas seulement à leurs fins personnelles, mais à l’intérêt général. Il ne sert donc à rien de monter les français les uns contre les autres et de dénigrer les cheminots qui font grève. Mieux vaut se concentrer sur les raisons qui les poussent à la faire.

On n’arrête pas d’insister sur la revendication concernant les régimes spéciaux de droits à la retraite, un syndicat (Sud Rail) insistant pour un retour en arrière. Cependant une majorité des français semble consciente qu’un effort doit être fait pour sauver le système de retraites et que, pour des raisons d’équité, un nivellement à 40 annuités semble nécessaire. Les cheminots eux-mêmes le perçoivent. Il est donc bien évident que le syndicat en question ne fait qu’enchérir dans un jeu de bluff et de marchandage, tandis que leur adversaire déclare avec autant d’aplomb qu’il ne cèdera rien. En fait, c’est un jeu de dupe, puisqu’il est clair que ce qui est demandé (et qui sera sans doute offert), c’est simplement une compensation financière pour rupture du « contrat de travail » : les cheminots s’étaient engagés dans une carrière sur la base d’un certain nombre de données, dont le nombre d’annuités de cotisation était un élément, et il vient d’être remis en cause. L’avancée vers les 40 annuités est nécessaire et la compensation est méritée. Tout le monde y trouve son compte. Il n’y a pas à faire traîner tout ça en longueur.

Or cela traîne. Mais qui est à mettre en cause ? Les cheminots ? Le droit de grève ? Non, bien sûr ! C’est évidemment le gouvernement ! Si le quidam moyen ne peut se rendre à son travail le matin, c’est la faute du gou-ver-ne-ment ! Il va faire des économies substantielles en ne renouvelant qu’un départ à la retraite sur deux parmi les fonctionnaires, alors il peut très bien financer cette indemnité. Tout comme il peut penser à revoir, ne serait-ce que légèrement, à la hausse le point d’indice dans la fonction publique quand l’inflation fut de 2% au cours de l’année, 3,25% sur les deux dernières années. Quand il y a de l’inflation généralisée, les recettes fiscales augmentent en proportion. Or, pendant ce temps, les fonctionnaires, à salaire constant, ont un pouvoir d’achat qui diminue. Il serait peut-être temps que le premier ministre réalise qu’une partie des gains qu’il réalise doive être redistribuée à ses serviteurs, sous peine de mutinerie.

Il ne faut pas se tromper de cible. C’est la mauvaise gestion de son personnel, de ses finances et de son emploi du temps qui met les PME en péril. C’est le gouvernement qui est responsable, c’est contre lui que tous les griefs doivent être tournés. Les patrons ont compris depuis longtemps qu’un management participatif est plus efficace qu’une direction autoritaire. Le gouvernement ferait bien d’en prendre de la graine.

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Commentaires
D
Quand tu veux ! C'est toi qui me dis. Je t'appelle ce soir après le viet...
F
Tu m'enleves les mots de la bouche, tu as formulé ma pensé par ecrit.... <br /> On se voit quand pour refaire le monde autour d'une bonne bouteille ?
Bed Devi
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Bed Devi
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